Haïti : quand la politique éclipse tout

La réalité politique, avec l’assassinat du président Jovenel Moise, a complètement dominé les discours en Haïti. Dans les médias comme les coins de rue, la politique est sur toutes les lèvres depuis au moins une semaine.

Ces temps-ci, on ne parle que de politique en Haïti. Sous l’effet de l’insécurité généralisée, la vie culturelle, sportive, sociale, économique, etc. sont désormais remis en arrière-plan. Depuis au moins trois ans, la crise sociopolitique interminable que traverse le pays se traduit par la permanence d’un climat d’insécurité. Ce dernier ne reste pas sans effet sur les autres secteurs qui ont vu leurs calendriers modifier de façon automatique. Actuellement, la sélection nationale de football masculin participe à la Coupe d’Or 2021, mais son carnet de notes n’est même pas discuté. La réalité politique a tout éclipsé.

En raison de cette politique qui engendre l’insécurité, les traditions culturelles haïtiennes sont pratiquement éteintes. Les affiches de bals, de spectacles et des festivals d’été se font de plus en plus rares dans les rues de la capitale et des villes de province. Ce qui est un manque à gagner pour l’industrie culturelle haïtienne. Les activités touristiques sont au plus bas niveau. Même les Haïtiens de la diaspora ont peur de mettre les pieds en Haïti. Pour fuir le chômage, les artistes n’ont d’autres choix que d’offrir des spectacles en direct sur Instagram, Facebook et les plateformes de streaming.

Quels sont les véritables enjeux de la crise haïtienne ?

En ce qui concerne l’économie, une croissance négative et une hyperinflation frappe de plein fouet le pays. On enregistre une décote de la gourde qui perd de plus en plus sa valeur vis-à-vis des monnaies étrangères en circulation sur le territoire. Pourtant, cette triste réalité est étouffée par la crise politique. Jour après jour, les carnets de l’économie haïtienne deviennent plus catastrophiques. Mais en dépit de l’aggravation de cette situation, elle ne trouve pas de place dans le débat public. Pas de projecteurs sur ces résultats négatifs qui sont les conséquences directes d’une incertitude politique que connaît le pays depuis 2018.

Depuis l’assassinat de Jovenel Moise, les médias ne font qu’essayer de démêler le vrai du faux de ce scénario digne d’une série Netflix. À force de donner la parole aux sympathisants aveugles et des supporteurs ignorants qui ne font que clamer l’innocence de X et pointer du droit Y dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat du président, les médias n’ont plus le temps d’adresser les véritables enjeux de la crise haïtienne. En effet, l’État perd le monopole de la violence légitime, et des zones entières sont aujourd’hui contrôlées par des gangs armés qui sont parfois mieux armés et mieux équipés que la PNH. Mais cela n’intéresse personne.

L’effondrement des institutions

Depuis l’exécution sévère de Jovenel Moïse, la 3^e circonscription de Port-au-Prince est sortie du débat public. La police nationale d’Haïti (PNH) oublie complètement que la guerre des gangs au niveau de cette zone a mis fin aux relations entre le département de l’Ouest et la métropole sud du pays. Tous les efforts de l’institution policière se convergent actuellement vers la recherche des auteurs et complices de l’assassinat de Jovenel Moise, oubliant que des milliers de familles fuient leurs maisons à cause de l’insécurité dans les quartiers populaires contrôlés par des gangs armés parrainés par des leaders politiques.

De manière générale, la situation politique n’est pas sans effet sur la vie des Haïtiens. L’effondrement des institutions expose tout le monde à des risques majeurs. Selon une enquête du Conseil national de la sécurité alimentaire (CNSA), en mai dernier, 4.4 millions d’Haïtiens pataugent dans l’insécurité alimentaire. Cependant, personne n’en parle. Présentement, ce qui arrive à attirer le plus l’attention est le débat sur l’éventuel remplaçant de Jovenel Moïse qui, sans doute, va venir proposer un changement de paradigme, mais en réalité dans la pérennisation de ce système rejeté par les masses populaires qui sont plutôt favorables à une réforme sociale radicale.